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C’est une décision exceptionnelle que vient de confirmer la Chambre des Appels Correctionnels de la Cour d’Appel de Grenoble ce mardi 15 mai 2018.

Après 10 années de procédure, un médecin psychiatre est condamné pour homicide involontaire en suite du meurtre commis par un de ses patients sur un étudiant le 12 novembre 2008.

Il y a 10 ans en effet, Luc Meunier, étudiant de 26 ans est poignardé sans raison sur le trottoir du cours Berriat.

Arrêté immédiatement, son meurtrier est un schizophrène suivi au CHS de Saint-Egrève, malheureusement connu depuis de longues années pour ses nombreux passages à l’acte agressifs.

Jugé irresponsable pénalement pour une première agression en 1995, il avait déjà séjourné en Unité pour Malades Difficiles (UMD), ces unités spécialisées réservées aux très rares cas de schizophrènes les plus dangereux.

Au moment des faits, il était hospitalisé au CHS ensuite d’une deuxième décision d’irresponsabilité pénale rendue quelques mois avant, pour un nouveau coup de couteau porté sur un paisible retraité qui décèdera plus tard.

Cette 3ème agression violente et le décès de Luc MEUNIER vont mobiliser au plus haut niveau, le Président de la République de l’époque, Nicolas SARKOZY, convoquant 4 de ses ministres pour réclamer une réforme en profondeur de la psychiatrie : bronca du corps médical des psychiatres.

Loin de la récupération politique d’un côté, ou de la démagogie corporatiste de l’autre, la famille de Luc MEUNIER décidait de déposer plainte et de se constituer partie civile entre les mains d’un juge d’instruction, dénonçant les manquements graves dans le suivi de ce patient connu pour être dangereux (l’instruction démontrera que 2 patients sur les 350 du CHS pouvaient être considérés comme particulièrement dangereux, dont ce patient).

Dix années d’une longue procédure au cours de laquelle la famille a utilisé tous les moyens de droit pour faire reconnaître les manquements dans le suivi et les soins donnés à Jean-Pierre GUILLAUD : 2 appels d’ordonnance de non-lieu, pourvoi en cassation, demandes d’actes, etc.

Par un 1er jugement en date du 14 décembre 2016, le Tribunal Correctionnel de Grenoble relaxait le CHS de St Egrève et condamnait le médecin psychiatre en charge du suivi du patient.

L’audience de la cour d’Appel se tenait donc sur appel du psychiatre, en présence de nombreux témoins cités par la défense et la famille, constituée partie civile.

L’analyse à la barre des scellés, constituant le dossier médical, mais aussi l’audition des témoins, et les procès-verbaux, mettaient en évidence l’absence totale de suivi médical de ce patient qui avait fini par « faire partie des murs » comme confessera une infirmière.

Ainsi,  la dernière poussée délirante qui conduisit au meurtre de Luc MEUNIER n’avait pas, comme les fugues quelques jours avant le drame, attiré l’attention de ce psychiatre qui reconnaissait in fine n’avoir pas assuré personnellement le suivi de ce patient, abandonné à un médecin en formation…

C’est dans ces circonstances, dans une affaire exceptionnelle pour un cas particulier, que la cour d’appel a confirmé la condamnation du médecin à la peine de 18 mois d’emprisonnement.

Un pourvoi en cassation a été régularisé.

Prétendre que les psychiatres n’ont pas vocation à « enfermer » est une hypocrisie jetée à la face de ceux qui vivent quotidiennement la dure réalité des soins sans consentement.

Aujourd’hui, au-delà de l’aboutissement de cette affaire, je pense d’abord et surtout  à Luc MEUNIER, mort parce qu’un médecin n’a pas su prendre ses responsabilités.

Ce n’est pas Luc MEUNIER qui ce 12 novembre 2008 était au mauvais endroit au mauvais moment : c’est ce malheureux schizophrène, meurtrier par maladie et enfermé aujourd’hui et pour longtemps dans une Unité pour Malades difficiles, et cela  parce qu’un médecin psychiatre n’a pas su prendre ses responsabilités en protégeant son malade et par conséquent Luc MEUNIER.

 

Crédit photo : AFP – JP Clatot.