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Une décision au bénéfice des victimes d’accident de la circulation parmi les grandes décisions de la Cour de Cassation.

La plus haute juridiction française vient de rendre un arrêt important destiné à être publié dans son recueil pour faire jurisprudence.

 

Voici les faits de cette affaire que nous avons défendue depuis le début:

Mlle P. présente des antécédents de comportement bipolaire avec bouffées délirantes.

Elle a été victime d’un grave accident corporel de la circulation, alors qu’elle se trouve passager arrière du taxi qui la conduit à son domicile, et qu’elle est en proie manifestement depuis deux jours à l’émergence d’une nouvelle crise délirante.

La sœur de la victime qui avait pris place à l’avant du taxi déclare aux enquêteurs:

« Quand nous sommes arrivées à Albertville, le chauffeur de taxi a emprunté l’autoroute… Chemin faisant, j’ai proposé à ma sœur, si elle voulait prendre l’air. Elle m’a dit que non. Peu de temps après, elle m’a dit qu’elle avait besoin de prendre l’air. Alors que je la regardais, elle a ouvert brusquement la porte latérale, arrière droite. Je n’ai rien pu faire pour retenir ma sœur, elle a basculé dans le vide de tout le poids de son corps. J’ai vu juste le corps partir. Ma sœur n’a rien dit. J’ai immédiatement hurlé et brusquement le chauffeur de taxi a stoppé son véhicule ».

Les conséquences seront particulièrement graves, la victime souffrant d’une hémiplégie associée à d’importants troubles cognitifs la contraignant au fauteuil roulant et à l’assistance permanente d’une tierce personne.

Sa demande indemnitaire à l’égard de l’assureur du Taxi, a été rejetée par cette compagnie au motif :

 « Nous avons procédé à un examen attentif des circonstances de cet événement telles qu’elles sont décrites par la gendarmerie nationale. Il ressort de cet examen que vous avez sauté du véhicule en marche de notre assuré. Un tel comportement a pour conséquence, en application de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, l’exclusion de votre droit à indemnisation. Nous nous voyons donc obligés de rejeter votre demande d’indemnisation ».

Une victime non conducteur (piéton ou cycliste par exemple) est toujours indemnisée de ses blessures dans un accident de circulation sauf si elle a commis elle même une faute inexcusable c’est à dire une faute « volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un dommage dont il aurait dû avoir conscience ».

Si la loi protège les mineurs de moins de 16 ans, les personnes de plus de 70 ans et les titulaires d’une reconnaissance d’handicap à 80%, aucune protection n’est due à la victime qui, sous l’emprise d’un trouble de conscience momentané, commettrait une faute inexcusable participant à son accident.

Le Tribunal de Grande Instance d’Albertville a donc, dans un premier temps, rejeté les demandes de la victime et de ses proches.

Parce qu’on ne peut pas considérer qu’un acte est volontaire s’il a été commis sous l’emprise d’une confusion mentale et que la situation de cette jeune victime le justifiait, nous l’avons soutenue pour faire appel de ce premier jugement.

La Cour d’Appel de Chambéry nous donne raison et réforme le jugement pour faire droit aux demandes d’indemnisation au motif que :

« Des faits ainsi décrits par l’enquête de gendarmerie, ils apparait qu’ils ne permettent pas de caractériser une faute inexcusable, …. dans la mesure où madame P. était dans un état de confusion mentale ou à tout le moins d’absence momentanée de discernement privant sa faute du caractère volontaire permettant de la qualifier d’inexcusable ».

L’assureur a saisi la Cour de Cassation suite à cette décision.

La Cour de Cassation vient de rejeter le nouveau recours de l’assureur.

Désormais, la Cour de Cassation affirme clairement qu’il ne peut y avoir de faute inexcusable commise par une victime d’accident de la circulation et empêchant son indemnisation, si celle-ci était, au moment de l’accident, dans un état de confusion mentale ou d’absence momentanée de discernement.

C’est donc une avancée certaine pour toutes les victimes vulnérables, qui sont souvent les plus gravement blessées, et qui sont non spécifiquement protégées par la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation.