Attention, le droit évolue vite, ce qui est vrai aujourd’hui peut ne pas être vrai demain. Les articles présentés peuvent ne pas être totalement adaptés à votre situation ou à l’état du droit. Ils reflètent l’investissement de notre cabinet auprès des victimes.
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En juillet dernier, reprenant mon intervention sur une affaire en cours, le Dauphiné Libéré titrait : « À Grenoble, la rue appartient aux casseurs ».

La fin tragique d’Adrien PEREZ, quelques semaines plus tard, devait élargir le constat : à Grenoble, la rue n’appartient plus aux grenoblois.

Depuis le terrible meurtre, les uns et les autres, politiques en tête de ligne, se renvoient les responsabilités, ou accusent la « récupération » prétendument rendue possible par les propres déclarations des parents du jeune homme, enregistrées sous le coup de la douleur.

En réalité, tous sont à renvoyer dos à dos.

Violences des groupes extrêmes, violences liées au trafic de stupéfiants ou violences opportunistes de certains délits, l’agglomération grenobloise en a essuyé tous les effets depuis une dizaine d’années, blessant ou tuant à chaque fois des victimes innocentes.

Elle devient à ce titre, n’en déplaise à certains, le reflet sans doute exact de phénomènes sociaux qui s’implanteront progressivement partout, si rien n’est fait.

Parlons donc, d’abord, de ce que nous connaissons.

A ce sujet, je suis surpris, s’agissant de la vidéoprotection, des affirmations telles que : « la vidéo protection n’a pas empêché telle infraction »… mais, par essence même, nul ne peut connaître le nombre d’infractions évitées grâce à la vidéoprotection.

Sans mesure de ce chiffre noir des bienfaits de la vidéoprotection, l’argument n’est pas recevable.

Quant à prétendre en limiter le bénéfice à certaines zones, c’est oublier, outre ce chiffre noir, deux autres aspects importants.

De première part, la vidéoprotection joue aujourd’hui un rôle majeur dans l’identification des auteurs d’infraction.

Cela relève certes d’une compétence nationale, mais les collectivités ont le devoir de s’associer à cet objectif. En ce domaine la co-construction évoquée par le Ministre de l’Intérieur prend tout son sens.

De seconde part, la délinquance n’épargne aucun quartier, ce qui augmente le sentiment général d’insécurité, majoré, peut-être, par l’effet néfaste de la réduction de l’éclairage public.

Si la délinquance agit en plein jour, elle est beaucoup plus redoutable quand elle ne se laisse pas voir.

Le développement de la vidéoprotection n’empêche cependant nullement de renforcer la présence sur le terrain, on peut même penser, au contraire, qu’elle en améliore l’efficacité, par une présence mieux ciblée et au besoin réorientée quotidiennement.

Face à la baisse constante des effectifs de police nationale, est-il incongru de s’interroger sur un développement significatif du nombre de policiers municipaux, et de leurs moyens matériels ? Est-il si choquant d’imaginer un recrutement et une formation d’excellences pour se doter d’une police municipale de haut niveau en capacité de faire face aux situations les plus difficiles ?

Rien n’est moins certain, si la question est placée sous l’angle de la dissuasion d’une part, et de l’effet de réassurance qu’une présence locale significative des forces de l’ordre apporte au citoyen.

On ne peut, en effet, se désintéresser des résultats des enquêtes de victimation.

Il y a la réalité de la délinquance et, comme en météorologie, les effets ressentis.

Quand vous avez froid, cela vous empêche-t-il de vous couvrir parce que la température extérieure affichée semble bonne ?

Ce « différentiel de température » dans la délinquance s’explique pour partie par la frontière fragile entre la délinquance pure et les incivilités.

 

Pour le coup, la lutte contre les incivilités est une compétence exclusivement locale qui permet de sécuriser, voire pacifier, les relations.

Alors certains vont dire, mais quelle utilité à renforcer les moyens de lutte contre la délinquance et l’efficacité policière si la justice de son côté ne fait pas son œuvre ?

Ils n’auront pas tort.

Je plaide donc pour ma chapelle, et un renforcement du droit des victimes et de leur place dans l’instruction judiciaire, les mesures alternatives de peine et le procès pénal.

La présence active de la partie civile permet sans aucun doute un accroissement de l’efficacité dans la caractérisation des infractions, leur qualification juste et la recherche de la vérité.

Elle permet aussi, et ce n’est pas rien, de lutter contre la banalisation, par le système judiciaire, de la délinquance et de ses effets.

Réduire le rôle de la partie civile à simple demanderesse de dommages et intérêts, diffuse en réalité l’idée que la vie humaine se résumerait à une question de prix.

Au risque de choquer, cette idée semble parfois largement répandue chez les magistrats.

Si je n’aime pas critiquer les décisions de justice auxquelles je n’ai pas pris part, l’avocat de victimes que je suis ne peut cependant admettre qu’il existerait une logique à laisser en liberté un individu qui resterait dans le même temps mis en examen pour meurtre.

La qualification criminelle la plus grave, exige les décisions, même provisoires, les plus sévères.

Ainsi, à défaut pour tous les acteurs politiques ou du système judiciaire d’agir plutôt que de laisser faire, le creusement, un peu plus encore, du fossé entre le justiciable et la justice rendra toute tentative de lutte contre la délinquance inaudible pour la société.