Attention, le droit évolue vite, ce qui est vrai aujourd’hui peut ne pas être vrai demain. Les articles présentés peuvent ne pas être totalement adaptés à votre situation ou à l’état du droit. Ils reflètent l’investissement de notre cabinet auprès des victimes.
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Je viens d’achever une session d’assises, au cours de laquelle comparaissaient des jeunes mineurs et un majeur pour des faits de viols sur mineurs avec ces circonstances aggravantes qu’ils ont été commis en réunion, sur des mineurs de moins de 15 ans et en concours avec d’autres viols (autrement présenté il s’agissait de viols simultanés).
Un rapport parlementaire déposé le 22 février 2018, établissait que l’année précédente il y avait eu en France 250000 viols ou tentatives.
Parmi ces chiffres, on dénombrait 150000 viols ou tentatives sur des mineurs.
Un chiffre effrayant quand on sait que seulement 9% des victimes déposent plainte et qu’une plainte seulement sur 10 aboutit à une réponse judiciaire.
Chez les jeunes, Israël NISAND, un gynécologue bien connu pour ses interventions dans les écoles et ses ouvrages (dont Et si on parlait de sexe à nos ados, 2012, Ed. Odile Jacob), estime, selon des études rapportées, que l’exposition à la pornographie débute à l’âge de 11 ans en moyenne.
L’éducation sexuelle, qui devrait en réalité être dispensée, selon la loi, dans les écoles, à hauteur de 3 « séances d’éducation sexuelle » par an, n’existe pas.
Force est donc de constater que nos jeunes, à défaut de recevoir une éducation parentale ou scolaire idoine, vont en réalité à la chasse à l’information sexuelle par le biais notamment des vidéos et réseaux sociaux facilement accessibles sur smartphone.
L’idéalisation du premier rapport sexuel laisse place à une confrontation brutale à la violence sexuelle dans laquelle les contours de la liberté et du consentement deviennent, pour nos jeunes, de plus en plus flous.
Dans cette affaire qui nous a occupés pendant une semaine, c’est en effet autour de ces questions du consentement, de la liberté, du rapport à l’autre, du respect et de la puissance des réseaux sociaux qu’avocats des parties civiles et avocats de la défense ont ferraillé.
En tant qu’avocat de victimes, il n’était pas inutile de rappeler que tout individu peut accepter un acte sexuel à un instant T et refuser pleinement d’aller plus loin dans la minute qui suit.
Il n’était pas inutile de rappeler que l’expression de l’absence de consentement se déduit non seulement de ce qui est clairement exprimé par la victime mais aussi de ce qui découle nécessairement de son comportement : l’un des accusés exprimait d’ailleurs au cours de l’enquête et à la barre que la victime « n’était pas vraiment complice », c’est à dire en réalité non consentante.
Il n’était pas inutile de rappeler que l’état de sidération d’une victime de violence sexuelle est telle que parfois l’absence de consentement se déduira pour les juges, devant l’impossibilité des mots, de la seule existence d’actes de violence, menaces, contrainte ou surprise.
Il n’était pas inutile de rappeler les difficultés d’une enquête sur des faits de viols, tenant en la fluctuation des témoignages, dont celui de la victime elle-même.
Sans se contredire en effet, il est courant de constater que le témoignage d’une victime peut évoluer au fil du temps, d’abord par la mise en jeu des mécanismes de la mémoire et de la résurgence de détails au fur et à mesure des révélations mais aussi, et parfois surtout, par l’évolution de l’aptitude de la victime elle-même à verbaliser et entendre son propre vécu.
Il n’était pas inutile de rappeler que le témoignage de cette jeune adolescente de 13 ans au moment des faits avait été sans doute édulcoré, aseptisé, pour être entendable des adultes, de ses parents, et d’elle-même.
La réalité de ces 6 heures d’isolement et de violences sexuelles répétées est sans aucun doute innommable.
Une semaine donc au cours de laquelle se sont succédés à la barre les experts, les éducateurs, les enquêteurs, les témoins et tous les protagonistes.
Tous auront répondu aux questions, parfois difficiles, rudes, du Président de la Cour, de l’avocat général ou des avocats.
Attentifs à chaque instant, les jurés auront été de ce point de vue exceptionnels par leur implication, leur écoute et leur volonté de compréhension que l’expression de leurs visages témoignait : sans jamais avoir montré de parti pris.
Chacun a investi sa mission avec conscience et rigueur.
In fine, œuvre de justice aura été faite.
On parle de ces tribunaux criminels dans lesquels les jurés issus du peuple seraient remplacés par des juges professionnels.
Ineptie d’une réforme qui par là même continuerait d’éloigner encore un peu plus le justiciable, la société, de sa justice.
L'auteur de cet article :
Me Hervé Gerbi, Avocat fondateur et Gérant.
Avocat à Grenoble, Maître Hervé GERBI est spécialisé en dommages et préjudices corporels, et en corporel du travail. Il est titulaire d’un diplôme de psychocriminalité (analyse criminelle).