Attention, le droit évolue vite, ce qui est vrai aujourd’hui peut ne pas être vrai demain. Les articles présentés peuvent ne pas être totalement adaptés à votre situation ou à l’état du droit. Ils reflètent l’investissement de notre cabinet auprès des victimes.
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Le 8 octobre dernier, 4 policiers comparaissaient devant le Tribunal Correctionnel de Lyon pour les blessures infligées à une étudiante en médecine… il y a 11 ans.
Instruisant une nouvelle fois ce dossier, mais cette fois-ci à la barre du tribunal, le Président d’audience insistait sur le « cheminement procédural exceptionnel » de cette affaire.
Retour en arrière.
Le 16 mai 2007, Nicolas SARKOZY est officiellement investi Président de la République.
A Grenoble ce soir-là, des groupes radicaux organisent une violente manifestation qui opposera plus de 300 manifestants à un dispositif policier exceptionnel.
Bien plus tard dans la soirée, Madame Maud CARRETTA, jeune étudiante en 5ème année de médecine, est grièvement blessée par l’explosion d’une grenade de désencerclement tirée par l’un des fonctionnaires de police.
Les investigations établissaient ab initio que Madame Maud CARRETTA ne prenait aucunement part auxdites manifestations et qu’elle ne représentait manifestement aucun danger pour les forces de l’ordre.
Médicalisée sur place puis évacuée au CHU de GRENOBLE, le bilan lésionnel initial à l’arrivée de Madame Maud CARRETTA au sein de l’établissement retenait une perte totale de l’œil gauche et des fractures faciales engendrant perte du goût et de l’odorat.
Plus de 10 ans après les faits, et d’une instruction aux multiples rebondissements dans un dossier délocalisé (car trop sensible), l’état de santé de Madame Maud CARRETTA, devenue depuis psychiatre, est loin d’être stabilisé puisqu’elle va certainement devoir subir d’autres interventions chirurgicales.
Il est ainsi reproché au commissaire de ne pas avoir fait les sommations réglementaires avant l’usage de la force et aux 3 tireurs, d’avoir commis ensemble, par l’usage de leurs grenades, une imprudence source d’un danger grave en lien avec les blessures de la victime.
Voici donc présenté ce long et difficile combat judiciaire, en quelques dates et problématiques soulevées :
15/06/2007 Plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée de Madame Maud CARRETTA adressée au Doyen des Juges d’Instruction.
09/01/2013 Réquisitoire définitif aux fins de non-lieu partiel contre les tireurs et renvoi devant le tribunal correctionnel du commissaire
03/12/2013 Ordonnance du juge d’instruction de non-lieu partiel contre les tireurs et renvoi devant le tribunal correctionnel du commissaire
10/12/2013 Appel des parties civiles
14/05/2014 Arrêt de la chambre d’instruction qui confirme le non-lieu des policiers MAIS ordonne non-lieu aussi du commissaire
16/05/2014 Pourvoi en cassation des parties civiles
27/10/2015 1er arrêt de la Cour de cassation :
« CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble, en date du 14 mai 2014, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ».
03/06/2016 Arrêt de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Lyon : non-lieu contre les tireurs et renvoi du commissaire devant le Tribunal
10/06/2016 Pourvoi en cassation des parties civiles
11/07/2017 2ème arrêt Cour de cassation
« Attendu que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu partiel rendue par le juge d’instruction, l’arrêt attaqué énonce que, s’agissant de blessures involontaires, en l’absence de certitude du lien existant entre le comportement de [les tireurs] et les blessures subies par la partie civile, leur responsabilité pénale ne peut être engagée et que le non-lieu sera ordonné à leur encontre, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si l’ordre reçu était légal ou illégal ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations et énonciations que les blessures avaient été causées par une grenade de désencerclement, sans rechercher, d’abord, si l’utilisation de ce type d’arme ne constituait pas une faute d’imprudence et, ensuite, si les trois mis en examen n’avaient pas participé ensemble à une action dangereuse et ainsi créé, par leur commune imprudence, un risque grave dont un tiers a été la victime, peu important l’impossibilité de déterminer l’incidence directe des actes accomplis par chacun d’eux, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ;
…..
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ».
La Cour de Cassation, dans cet attendu, invite donc les juges à réfléchir ce dossier sous l’angle de la théorie juridique des fautes conjuguées, autrement et simplement présenté de coaction.
En matière d’opérations de police de maintien de l’ordre, l’application de cette théorie serait une innovation jurisprudentielle.
03/11/2017 Réquisitoire du Procureur Général près la Cour d’appel de Lyon : confirmation du non-lieu contre les 3 tireurs
22/12/2017 Arrêt chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Lyon : Ordonne le renvoi des tireurs devant le tribunal correctionnel de Lyon pour y être jugés conformément à la loi [pour blessures involontaires]
08/10/2018 Audience du Tribunal Correctionnel : Maud CARRETTA a indiqué n’exprimer aucune haine pour les policiers, être respectueuse de la fonction et des conditions difficiles de leur travail, tout en attendant la reconnaissance d’une erreur grave qui lui a occasionné un handicap définitif et évolutif. Avec simplicité et humanité elle a posé que cette erreur « n’aurait jamais dû arriver ».
Le délibéré sera rendu le 10 décembre prochain.
On en parle dans la presse :
L'auteur de cet article :
Me Hervé Gerbi, Avocat fondateur et Gérant.
Avocat à Grenoble, Maître Hervé GERBI est spécialisé en dommages et préjudices corporels, et en corporel du travail. Il est titulaire d’un diplôme de psychocriminalité (analyse criminelle).