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C’est un avis positif très intéressant de la Commission de Conciliation des Accidents Médicaux (CCI) que le cabinet a obtenu suite au décès d’un jeune père de famille.

Analysant, au delà des seules conclusions du rapport d’expertise, et comme nous l’y invitions, la CCI a ainsi reconnu la responsabilité conjointe du service d’urgence d’un centre hospitalier (CH) et du service de régulation médicale (centre 15) d’un centre hospitalier régional universitaire (CHRU) pour un défaut de prise en charge d’une pathologie cardiaque.

Les faits sont les suivants :

Monsieur X. a présenté, en fin d’année 2015, un tableau douloureux persistant au niveau thoracique.

Orienté en consultation cardiologique simple le bilan ne notait rien de particulier.

C’est dans ce contexte qu’un appel sera cependant passé au centre de régulation médicale (centre 15), le 31 décembre 2015 au petit matin :

  • Éléments portés à la connaissance du médecin régulateur : « Bras et visage engourdis » ; « Douleur à gauche mais centrée…prenant toute la main… par crise de 30/40 secondes… habituellement que le matin, mais là renouvelée… mal dans tout le bras gauche… a vu le cardiologue il y a 2 jours… ».
  • Conclusion du médecin régulateur : « Pas du tout évocateur d’un problème cardiaque, c’est sans doute des angoisses ou du stress. Revoyez votre médecin traitant ».
  • Synthèse : « Douleur thoracique depuis une semaine tous les matins. A vu cardio : RAS. N’a pas eu d’ECG. Angoisse. Aller Cons Méd. Traitant ».

 

Devant la persistance des douleurs, Monsieur X se présentait aux urgences du Centre Hospitalier le 19 janvier 2016.

Un compte-rendu établi a posteriori par l’urgentiste rapporte ainsi :

« … s’est présenté de lui-même aux urgences du CH. Il venait consulter pour une douleur thoracique survenue dans la nuit du 19/01, ayant duré 1h (5 épisodes de 20 sec) et déclare avoir eu un épisode similaire la veille lors d’un effort et nocturne il y a plusieurs mois avec un bilan complémentaire auprès du (cardiologue) qui retrouvait un examen clinique et un ECG normal.

A la prise en charge aux urgences, le patient présente une douleur évaluée à 1/10, une TA 128/81, une saturation en oxygène de 100%, une température de 37°C et une glycémie capillaire à 0.88g/l. Le patient dit conserver une pesanteur rétro sternale sans douleur irradiant dans le bras, l’examen neurologique est strictement normal, auscultation cardio-pulmonaire est libre, l’hémodynamique est stable. Le score ESC est à O mais les FRCV avec un tabagisme et une hypercholestérolémie familiale font prescrire un cycle enzymatique de troponine.

L’ECG dans le service est normal, les dosages de troponines et dimères sont négatifs. Le médecin des urgences prends avis du cardiologue du CHRU qui au vu de la description clinique, électrocardiographique et des résultats biologiques conseille de faire en ambulatoire un coroscanner ou une coronarographie ou épreuve d’effort. … Celui-ci évoque deux diagnostics à éliminer : un angor spastique ou une anomalie d’implantation de la coronaire gauche. …

Conseil d’appeler le 15 si récidive douloureuse, sort du service à 15h49 avec un arrêt de travail ».

 

Monsieur X sortait le jour même du Centre Hospitalier, muni de deux ordonnances, dont une pour la réalisation d’un coroscanner sur indication de « douleur angineuse spontanément résolutive et typique, de repos et d’effort chez un patient fumeur avec hypercholestérolémie et antécédents familiaux de diabète »

Un nouvel appel au centre 15 du CRHU s’est cependant avéré nécessaire dès le 20 janvier 2016 au petit matin, dans les circonstances suivantes:

« D’après les indications du Centre 15 et du SMUR, il est victime le 20/01 de nouvelles douleurs thoraciques entraînant la prise de plusieurs pulvérisations de NATISPRAY et fait un ACR avant l’arrivée du SMUR. Malgré une réanimation cardiopulmonaire par les sapeurs-pompiers et le SMUR, le patient est déclaré DCD, après transport sous planche à masser, au CHRU, par l’équipe de coordination des greffes le 20/01 à 9h57 ».

C’est en l’état de ces éléments que l’épouse a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales instituée dans la Région Rhône-Alpes pour voir établir la faute du service des urgences du CH et de la régulation médicale (centre 15) du CHRU.

Les experts retiennent initialement un seul défaut de prise en charge du service des urgences du CH pour les raisons suivantes :

« La prise en charge de Mr X aux urgences du Centre Hospitalier n’est pas conforme aux bonnes pratiques compte tenu de l’absence d’un cycle TROPONINE, en effet, un 2ème dosage aurait dû être réalisé trois heures après le premier, afin d’éliminer formellement une pathologie coronarienne. »

Selon les experts, « Ce défaut de prise en charge est à l’origine d’une perte de chance difficile à fixer compte tenu des incertitudes sur les causes du décès ; elle paraît cependant importante et est estimée à au moins 50% ».

S’agissant de la responsabilité du centre 15, relativement à l’appel passé par l’épouse le 31 décembre 2015, les experts ont considéré que :

« l’écoute des enregistrements téléphoniques … met en évidence d’une part, un questionnaire particulièrement sommaire et d’autre part, des éléments sémiologiques qui auraient du conduire à l’engagement d’une équipe SMUR compte tenu du siège de la douleur, décrite comme médiothoracique, de son étendue, équivalente à la paume de la main et de l’existence d’une irradiation au niveau du bras gauche.

Par conséquent, l’hypothèse d’une crise d’angoisse nous parait particulièrement inopportune. »

Les experts considèrent donc que cette régulation est « non conforme aux bonnes pratiques » mais ils rajoutent que celle-ci « n’apparait pas formellement en rapport avec la réalisation du dommage, le patient étant décédé 20 jours plus tard après avoir consulté le service des urgences du Centre Hospitalier de VOIRON ».

Cette conclusion n’était pas acceptable pour nous sur le plan médico-légal puisque, si les experts considèrent que le tableau clinique du 31 décembre 2015 nécessitait l’envoi d’une équipe du SMUR, il est certain que la prise en charge à l’arrivée au CHRU, dans des conditions d’urgence vitale, aurait été complète et aurait sans doute permis l’établissement du diagnostique et le traitement de la pathologie cardiaque.

C’est en suivant notre argumentation que la Commission de Conciliation des accidents médicaux a rendu son avis, retenant 40% à charge du service des urgences du centre hospitalier et 10% à charge de la régulation médicale du centre hospitalier régional.

La procédure est en phase finale d’indemnisation.